HOMMAGE À SOPHIA BARAKET - EXPOSITION PERSONNELLE

8 OCTOBRE 19H30 I PALAIS ABDELLIA

TEXTE CURATORIAL :

La pratique de Sophia Baraket se concentre sur la photographie humaniste, qui place le ou la photographe en tant que figure capable de partager des histoires. Cette posture lui a permis de s’engager dans des débats abordant des problématiques et des crises sociales, de présenter des points de vue critiques, ainsi que de produire et de partager des récits intimes propres au médium photographique. La photographe, aujourd’hui disparue, s’interrogeait sur cette centralité des images et son attirance initiale pour la photographie : « je fais aussi partie de la première génération qui est passée de l’écrit à l’image ». Après ses études, sa collaboration avec la célèbre agence Magnum l’a amenée à s’impliquer davantage dans la photographie de reportage et lui a fourni les moyens de s’engager activement en tant que productrice et intervenante culturelle dans des débats socioculturels animés à Tunis et dans le continent africain en général. Ses projets abordent des problématiques essentielles, comme l’arrivée de déchets venus d’Europe sur les côtes d’Afrique du Nord dans la série Les Faire ailleurs, ou l’exode de réfugiés libyens à la frontière tunisienne dans Regards croisés sur les réfugiés du camp de Choucha, commandée par l’UNHCR. Une des séries les plus remarquables de Sophia Baraket, Filles mères, dresse un portrait saisissant de la réalité de mères mineures en Ouganda.

« En pratique photographique, on apprend tellement de choses. L’une d’elles et des plus superbes est le temps et sa malléabilité. Une pause d’une seconde est d’une lenteur et d’une longueur parfois insoutenable, souvent complexe et la plupart du temps raté. Et il en faut des ratés. Cette seconde est palpable, elle est l’équivalent d’une dizaine de minutes chez la personne qui ne touche point un déclencheur. Ce n’est rien, et c’est pourtant beaucoup, énorme et bien plus encore.

On se plaint tout au long de la vie, du temps ; Il échappe à tous, il file entre les doigts, incompréhensible il est. Pourtant, des années de vie ne peuvent faire face à une seconde, intense, concrète et entièrement étendue.

Que dire du millième de seconde, bien plus sec et rapide tel un couperet, définissant l’avant et l’après. Il y a tellement de vie dans cela, déterminant chaque chemin.

Tout comme le premier clin d’œil au petit matin, à chaque fois changé, toujours changé.

Ne jamais oublier que le moment, est ton allié. Que cela prenne une seconde, ou un millième de cette dernière.

L’efficience vient de la justesse, toujours. »

Sophia Baraket

Cette exposition présente un choix de photographies prises par Sophia Baraket entre 2011 et 2018. Un ouvrage retraçant le parcours de cette photographe disparue trop tôt devrait paraitre en décembre 2022.

Nos sincères remerciements à Monsieur Mohamed Baraket pour sa confiance. Merci à lui de nous avoir permis d’honorer la mémoire d’une très grande artiste qui nous a quittés trop tôt. 

 

SOPHIA BARAKET :

Elle naît en 1983 à Tunis, au sein d'une famille active dans le monde culturel : sa mère travaille comme éditrice de livres d'art, son père est passionné par l’histoire de l’art et le patrimoine, et son grand-père possède une collection d’appareils photo. Intéressée par la photographie dès sa jeunesse, elle décide de poursuivre ses études dans ce domaine. 

Sophia Baraket rejoint l'École d'art et de design de Tunis puis Spéos, une école internationale de photographie basée à Paris, tout en effectuant un stage de six mois chez Magnum où elle rencontre Henri Cartier-Bresson, Martine Franck et Abbas. 

Revenue en Tunisie en 2005, elle réalise des reportages aux États-Unis, en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Kenya, en Algérie, en Égypte et au Mali, mais aussi en Tunisie, par exemple dans les hammams et bars de Tunis ou à la frontière avec la Libye pour documenter l'exode des Libyens vers le camp de réfugiés de Choucha. À chaque fois, elle cherche à briser des tabous et à dénoncer des injustices. 

Elle organise par ailleurs des conférences sur le photo-documentaire puis réalise, entre 2010 et 2017, une quinzaine d'expositions et d'installations en Tunisie, en France et au Liban. Participante aux Rencontres africaines de la photographie en 2011, elle travaille avec des médias comme Courrier international, la BBC, Canal+ ou Al Jazeera, notamment durant la révolution tunisienne. 

Sophia Baraket décède subitement en juillet 2018 à l'âge de 35 ans.

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